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06/08/2009

Je me souviens (2) Riverside Church (C'était un Indien enturbanné nous menant à un mariage pas très catholique dans une église presbytérienne...)

Je me souviens du chauffeur qui nous a emmené dans une limousine noire - tu me faisais une boutonnière assortie à ton bouquet de mariée tandis qu'en retard nous dévalions les escaliers vers la voiture qui patientait devant la maison ; c'était un Indien enturbanné qui nous menait à un mariage pas très catholique dans une église presbytérienne.

Je me souviens de notre arrivée à l'angle de Riverside Drive et de la 120ème rue, de nos premières poses improvisées à la demande générale malgré mes protestations amusées, des retrouvailles chaleureuses avec les uns et les autres - de l'émotion de ceux qui découvrirent ton joli petit ventre rond ; puis, quelques instants plus tard, de l'irruption d'Eric, que je croyais perdu en route, et de la majestueuse arrivée de la Hautot Hat Connection.

Je me souviens de Don Giovanni et de Norma, des basses profondes de Jean-Philippe sur Deh vieni alla finestra, des vibrato de Bryn Jimenez sur Casta Diva et de l'hymne à la Douceur que fut leur duo dans Là ci darem la mano s'élevant dans la Christ Chapel en prélude à la cérémonie comme un pur instant de beauté  - était-ce un prélude ou était-ce l'essentiel ?

Je me souviens de la doublure de soie que tu as déchirée lorsque, voyant soudain que je te tendais la main pour monter à l'autel, tu as préféré la saisir plutôt que de tenir ta belle robe de mariée et que tu faillis, du coup, te prendre les pieds dans le tapis.

Je me souviens de Jean-Charles nous apportant les alliances dans un beau geste technique - sobre, efficace (même si, tu ne peux rien y faire, mon vieux pote, l'offrande réussie à l'autel n'effacera jamais de ma mémoire hilare ce magnifique ratage au stade, aux heures valeureuses du collège).

Je me souviens de la difficulté que j'ai eue à te mettre la bague au doigt dans la chaleur humide de l'été, puis de l'éclat de rire qui a fusé dans la chapelle lorsque expérimentant à ton tour un semblable "petit problème" (aurait dit Tanguy) tu t'es tournée à ta manière, incrédule et amusée, vers l'assistance ravie.

Je me souviens du "Je le veux" prononcé en français avant la formule rituelle en anglais parce que rien, jamais - ni l'italien de mon enfance, ni l'anglais de notre aventure - ne remplacera la langue selon mon coeur ; je me souviens avoir, dans la foulée, pensé à Obama trébuchant sur son serment présidentiel lorsque ma langue, pour le coup, a fourché sur mes voeux ("I hill with the welp of God...") et de ceux que tu as hoquetés, ma promise, comme pour les retenir encore un peu tandis que je te t'apaisais en te caressant doucement les mains.

Je me souviens de la douce imposition des mains du Révérend Linda Tarry-Chard, tantôt sur toi et tantôt sur moi, nous enveloppant de sa bienveillance pour la clôture de la cérémonie : "Annie and Olivier, you have committed yourselves to each other in this joyous and sacred covenant. Fulfill your promises, live in peace, love and serve God, honor each other and all people. Know joy and blessing, for since you have united yourselves in faithful loving, I pronounce in the name of God/The Holy One that you are husband and wife. Amen" - et de son sourire amusé lorsque, à la suite de l'invitation rituelle : "You may share a kiss", nous substituâmes au prude baiser américain un French kiss plus enjoué.

Je me souviens, après les préludes de Bach - Jesu, Joy of Man's Desiring et Sheep May Safely Graze - du Bridal Chorus dignement entonné a cappella par la confrérie des mariés lorsque les orgues se turent, après les signatures.

Je me souviens aussi, joyeux pied-de-nez aux enterrements imbéciles, d'une photo de garçons en pack dans le Sakura Park, le jardin des cerisiers, qui jouxtait l'église.

05/08/2009

Je me souviens (1) Pique-nique à Central Park (Un carré de cowboys au milieu des Indiens)

Voici une série de souvenirs, ordonnés par séquence, des moments que nous avons passés ensemble, griffonnés sur un coin de table, à la manière de Perec, au cours des quelques jours que nous venons de passer à Cape Cod. Si le coeur vous en dit, mêlez-y les vôtres...

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Je me souviens de l'accueil enthousiaste de Jack qui trépignait d'impatience au beau milieu de la pelouse de Sheep Meadow une heure à l'avance - et de son ivresse contagieuse, à la nuit tombée, lorsque nous quittions la pelouse.

Je me souviens de mon home run plein d'allant propulsant la balle de base ball à l'est de Sheep Meadow au second lancer de JP comme pour donner le signal de la fête.

Je me souviens de l'extase des French cheer leaders devant les courses d'Habib.

Je me souviens des sandwiches au homard et du Pinot Grigio, des fromages du pays et du Madiran de Montus, des cerises juteuses, et des letchis savoureux qu'on aurait dit venus de mon ancienne maison de la Vallée des Colons.

Je me souviens des placages (irréguliers) de JPP, des plongeons (audacieux) de Jean-Phi, d'un lancer de frisbee malheureux (...) et des passes de football américain avec Régine toujours accompagnées de petits cris aigus.

Je me souviens de Christine, allongée sous le ciel de Manhattan.

Je me souviens de Poune épanouie dans sa belle robe de soie grise Dona Karan et de ses grosses lunettes mouche au milieu du cercle que nous formions au centre de la pelouse comme un carré de cowboys au milieu des Indiens.

 

 

04/08/2009

Lendemains de fête (3) Potlatch

29 Juillet 2009.

Un des sujets qui a fait les grandes heures de l'ethnologie dans les années 1920, chez Mauss par exemple, est l'étude des Polatch mélanésiens, ces grandes fêtes célébrant des alliances entre clans et donnant lieu à une destruction de richesses.

Les étudiant, et tout en prenant la mesure de la subtilité des relations sociales à l'oeuvre dans les sociétés traditionnelles, on ne peut s'empêcher de songer à une geste archaïque qui validerait une sorte d'impossibilité culturelle d'accéder à un stade supérieur de la civilisation matérielle - en bref, le contraire de l'accumulation du capital.

Mais le regard d'un Mélanésien sur un mariage new yorkais aujourd'hui, que serait-il d'autre ? Dans les deux cas, chaque participant s'y livre bien à une "destruction" similaire. Des richesses circulent, des paroles s'échangent, des symboles s'incarnent, des liens nouveaux se créent.

On se parle, on invoque les Dieux, on mange, on boit, on danse. Dans les deux situations, et dans le meilleur des cas, un esprit de corps se dégage qui, à certains moments au moins, transcende les individualités et constitue, au-delà de ceux qui en font légalement office, le groupe dans son ensemble comme témoin.

Mais témoin de quoi au juste : des mariés ? Sans doute mais, n'en déplaise à l'individualisme contemporain, ce n'est peut-être pas l'essentiel. De l'événement, ils sont à la fois le fait déclencheur, la trame et comme le repère visible. Mais ils sont aussi un élément parmi d'autre d'une affaire qui, dans une certaine mesure, les dépasse et qui touche, plus fondamentalement, à un groupe qui se constitue, se reconnaît et, en se reconnaissant, est lui-même la source d'échanges futurs.

Si "destruction" il y a, il s'agit bien d'une destruction (socialement) créatrice dans laquelle la tradition prend en quelque sorte sa revanche sur la modernité en lui rappelant que ce qui compte en réalité, c'est moins l'échange ou la consommation des biens que la richesse plus fondamentale que représente le développement des relations sociales, la constitution ou la consolidation d'un groupe.

Au fond, un mariage que l'on dirait réussi, ce ne serait rien d'autre, à travers les rites-mêmes qui le constituent, qu'une coutume qui s'est formée.

Version courte : on est ce qu'on est, il faut ce qu'il faut, ça coûtera ce que ça coûtera.

 

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Commentaires

 

Voila en beaucoup mieux dit la substance de notre bla-bla (c'est de ça qu'il est question, non ? -socialement parlant ?) de l'apéro d'hier.

Conclusion : après une conversation interressante refer to oliver's blog !

Je vous souhaite un week-end avec plein de baleines.

Et je crois que ce mariage restera dans ma mémoire comme l'un de mes meilleurs souvenirs. Vous nous avez amenés à vivre 5 jours hors du temps, aleluia :-)

Lendemains de fête (2) Douche froide

28 Juillet 2009.
La réalité, c'est que le lendemain du mariage est une véritable douche froide.

Ils ont coupé l'eau chaude, dans le building. 

Lendemains de fête (1) Aphrodisiaque

28 Juillet 2009.

Je me souviens d'un sujet de dissertation de philo en terminale, il s'agissait de commenter le mot de Piaf : "Sans amour, on n'est rien du tout". 

J'imagine aujourd'hui l'intitulé suivant : "Le mariage, ultime aphrodisiaque ? (Vous commenterez, etc...)".

Cohen sur l'amour courtois, Peguy sur la famille - ce qu'il y a de neuf dans les conventions.